Sombre dessein à Pont-Aven, par Serge Le Gall

Sombre dessein à Pont-Aven propose (de même que Toiles de fond à Concarneau de Stéphane Jaffrézic) une très belle incursion dans le Finistère des années 1880-1890 sur les pas de Paul Gauguin. Ce n’est pas à proprement Gauguin qui y mène l’enquête, mais plutôt le détective Samuel Pinkerton qui apparaît une fois que le récit est déjà bien avancé.sdapa

Comme dans nombre de polars historiques, l’intrigue criminelle n’est ici qu’un prétexte pour faire découvrir avec piment des milieux, des lieux et des personnages teintés par la poésie du passé chère à Marc Bloch(1). Serge Le Gall, spécialiste de l’histoire de Pont-Aven, le fait avec un grand talent de raconteur.

Le lecteur pénètre dans les mystères de la création chez Gauguin, dans les conflits artistiques qu’il a dû affronter y compris avec d’autres peintres qui venaient comme lui séjourner à Pont-Aven (on a d’ailleurs l’impression d’assister une ou deux fois aux mêmes discussions animées), dans les modes de vie du Finistère de la fin du XIXe siècle, entre terre et mer, dans les auberges et les ruelles de la ville et les chemins et les moulins des alentours. À ce titre, ce roman est un véritable guide de balades à Pont-Aven et dans les environs.

Gauguin s’y montre comme un chercheur de lumières et de couleurs attaché à ce coin de Bretagne, comme un homme à la santé fragile et malgré tout sacré coureur de jupons.
L’enquête commence vraiment au milieu du livre, avec l’assassinat d’un jeune peintre américain lors d’une soirée festive. Elle se poursuivra jusqu’à la révélation finale.

Serge Le Gall est l’auteur d’autres polars historiques et contemporains qui ont pour cadre Pont-Aven et sa région.

(1) Comme nous le citons dans notre ouvrage Le roman policier historique. Histoire et polar : autour d’une rencontre, Marc Bloch évoque cette séduction du passé lorsqu’il écrit en 1941 Apologie pour l’Histoire ou Métier d’historien : « Certes, même si l’histoire devait être jugée incapable d’autres services, il resterait à faire valoir, en sa faveur, qu’elle est distrayante. […] Personnellement, d’aussi loin que je me souvienne, elle m’a toujours beaucoup diverti. Comme tous les historiens, je pense. […] L’histoire, on n’en saurait douter, a ses jouissances esthétiques propres, qui ne ressemblent à celles d’aucune autre discipline. C’est que le spectacle des activités humaines, qui forme son objet particulier, est, plus que tout autre, fait pour séduire l’imagination des hommes. Surtout lorsque, grâce à leur éloignement dans le temps ou l’espace, leur déploiement se pare des subtiles séductions de l’étrange […]. Gardons nous de retirer à notre science sa part de poésie. Gardons nous surtout, comme j’en ai surpris le sentiment chez certains, d’en rougir. »

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