Faire passer Nicolas Le Floch de la page à l’écran est un défi, comme pour tous les héros de papier. Mais peut-être plus encore pour lui, tant la plume de son créateur, Jean-François Parot, est riche et précise. Dans une page d’une enquête de Nicolas, il se passe tant de choses qu’il paraît impossible de les rendre à l’écran. Et pourtant, la série « Nicolas Le Floch » diffusée par France 2 depuis 2008 est une belle tentative. On y retrouve d’épisode en épisode le « petit monde » de Nicolas et ses points de repère : la maison chaleureuse de M. de Noblecourt, havre parisien de Nicolas ; les séances d’ouvertures de corps autour de ses amis le médecin Semacgus, l’inspecteur Bourdeau et le bourreau Sanson ; le malin et parfois risible Sartine, lieutenant général de police qui est le protecteur de Nicolas ; les conclusions des enquêtes, à l’occasion desquelles, tel Hercule Poirot, Nicolas rassemble les principaux intéressés pour confondre le coupable, etc.
La langue du XVIIIe siècle a été respectée sans alourdir les dialogues. C’était un souhait de Jean-François Parot, qu’il explique dans une belle interview livrée dans le bonus du DVD de la saison 2, de même qu’il explique que ces feuilletons/téléfilms sont des adaptations librement inspirées de ses romans, avec parfois quelques petits aménagements (la saison 3 est quant à elle composée de deux enquêtes inventées spécialement pour l’écran : La Larme de Varsovie et Le Grand veneur). Ce que l’auteur n’a pas pu ou voulu imposer, c’est que les épisodes TV suivent la même chronologie que les épisodes papier. On perd donc en partie deux grands intérêts de la série originale : on ne voit plus Nicolas mûrir au fil des épreuves et avancer dans la vie (tant au niveau personnel que « professionnel », dans sa relation au pouvoir royal en particulier) ; et on ne voit plus le siècle se transformer, depuis 1761 – époque de la première enquête de Nicolas, L’Énigme des Blancs-Manteaux) – jusqu’au-delà de la révolution de 1789, puisque tel est le dessein de Jean-François Parot que de faire évoluer un jour son héros dans l’après-Ancien régime. Sans doute eût-il fallu faire usage d’une voix off pour marquer ces évolutions, et il est dommage que les producteurs ou scénaristes n’aient pas fait ce choix. Le propos de la série TV n’est donc pas de suivre au plus près cette chronologie, et, pour cela, les amateurs de Le Floch auront tout le loisir et le plaisir de se reporter aux livres. Disons qu’elle la suit surtout pour l’instant (épisodes 1 à 6) par rapport à l’évolution de la relation entre Nicolas et la Satin, son amie de coeur et future mère de son fils.
Les avis des téléspectateurs sont nuancés. Le jeu de Jérôme Robart qui incarne Nicolas n’est pas apprécié par tout le monde. Bien sûr, on ne peut pas plaire à tout le monde, mais le jeu de Robart paraît peu naturel en comparaison de celui des principaux autres acteurs de la série.
On peut regretter des baisses de rythme dans certains épisodes et la qualité inégale des décors. Autant les intérieurs sont magnifiquement reconstitués, autant les extérieurs sont parfois pauvres, faute de moyens. Dans un ou deux épisodes, on a l’impression de n’être autorisé à voir les rues de Paris que de nuit. Sans être fans d’images 3 D, on aurait aimé avoir de temps en temps une belle reconstitution d’ensemble du Grand Châtelet, lieu dont on n’aperçoit dans la série que des cours, des couloirs et des geôles (c’est dommage car, comme l’a montré l’universitaire Pascale Arizmendi, Paris est, avec le jeune enquêteur lui-même, le personnage principal des aventures imaginées par Jean-François Parot). De même, Nicolas est un intime de Louis XV, mais les vues extérieures du château de Versailles sont tristounettes.
Fait exceptionnel dans l’histoire des séries passées du papier à l’écran, les éditeurs n’ont pas apposé des photos tirées des feuilletons sur les couvertures des éditions en grand format ou en poche des enquêtes de Nicolas, et c’est bien ainsi. Les romans de Jean-François Parot gardent ainsi leur vie propre et indépendante de leurs adaptations TV.
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